Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/121

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aux inquisiteurs d’Espagne et de Portugal, où le pathétique de la pensée se dérobe sous l’ironie de la forme. Il la place dans la bouche d’un juif, et il ne s’agit, dans ce discours, si on le prend à la lettre, que des seuls israélites ; mais Montesquieu songe à la France. Il interpelle indirectement les proscripteurs des réformés, lorsqu’au chapitre suivant il prétend expliquer « pourquoi la religion chrétienne est si odieuse au Japon » : « La loi du Japon punit sévèrement la moindre désobéissance. On ordonna de renoncer à la religion chrétienne : n’y pas renoncer, c’était désobéir ; on châtia ce crime, et la continuation de la désobéissance parut mériter un autre châtiment. Les punitions, chez les Japonais, sont regardées comme la vengeance d’une insulte faite au prince. » Il en était ainsi chez des Français pour ceux qui avaient l’insolence de se montrer incrédules à la religion du roi.

En matière de tolérance, les conseils de l'Esprit des lois ne dépassent point les insinuations des Lettres persanes. Montesquieu réclame l'Édit de Nantes, tout l’Édit de Nantes, rien que l’Édit de Nantes. Il craint la propagande religieuse, qui, selon lui, trouble les États et ruine l’autorité paternelle dans les familles. Il redoute les revanches des sectes proscrites, qui deviennent persécutrices dès qu’elles cessent d’être opprimées. « Voilà, conclut-il, le principe fondamental des lois politiques en fait de religion. Quand on est maître de recevoir dans un État une nouvelle religion, ou de ne la pas recevoir, il ne faut