Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/17

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fond de stoïcisme qu’il garda toute sa vie et qui fut toujours son principal fond de philosophie, lui venait directement de ses études latines. Il le sema, dès qu’il fut maître de ses lectures, d’une forte dose du pyrrhonisme dont la tradition se conservait dans la société du Temple, et qui transpirait au dehors malgré la Sorbonne, la censure et le lieutenant de police.

La Brède fit son droit et fut reçu, en 1714, au parlement de Bordeaux avec le titre de conseiller. Il se maria l'année suivante avec Mlle  Jeanne de Lartigue, de famille militaire et d’origine calviniste. Elle avait plus de candeur que de beauté, plus de timidité que de charme, plus de vertu que d’agrément : elle lui donna un fils, en 1716, et deux filles par la suite. En cette même année 1716, La Brède devint président à mortier. Son oncle, l’aîné de la famille, qui possédait cette charge, la lui légua avec tout son bien, à condition qu’il prendrait le nom de Montesquieu. Jamais legs ne fut mieux placé, quant au nom du moins, car, pour la charge, Montesquieu n’y montrait guère de goût. La famille et le Parlement occupaient peu de place dans sa vie : il parlait de l’une et de l’autre avec respect, se comportait dans l’une et dans l’autre avec décence, mais s’en distrayait le plus possible. Il s’en affranchit aussitôt qu’il se jugea en mesure de le faire. Il aimait le monde et le plaisir, qui l’attiraient hors de chez lui ; il ne s’intéressait point aux procès, détestait la basoche, regardait les avocats avec dédain et les sol-