Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/178

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tranchant dans la contradiction que ne l’a été Destutt de Tracy avec son Commentaire de l’Esprit des lois. Cette critique de Tracy, toute spéculative et a priori, n’est plus celle que nous attendons aujourd’hui. Il nous importe assez peu qu’un auteur institue une comparaison entre les écrits d’un grand homme et la théorie qu’il s’est faite, à son usage, sur le même sujet. Ce procédé suppose, de la part du critique, la science définitive, qui n’a jamais été le fait de personne, et, de la part du lecteur, une déférence sans limites, qui n’a jamais été le fait que des Béotiens. Nous demandons à la critique de nous faire connaître les hommes, de nous expliquer la raison d’être et le sens réel de leurs ouvrages. M. Paul Janet dans son Histoire de la science politique, M. Laboulaye dans les Notices de sa grande édition de Montesquieu, M. Taine dans quelques pages magistrales de son Ancien Régime, ont montré comment il convient d’appliquer ce fécond procédé de critique à l’auteur de l'Esprit des lois. Tous les trois admirent son génie, louent sa méthode et, dans l’ensemble, se rallient à ses principales conclusions.

Sainte-Beuve n’y consent qu’à demi et avec des restrictions infinies. C’est dans ses écrits que l’on trouve, sous la forme plus insinuante, les objections les plus graves qui aient été faites à Montesquieu. Outre la notice personnelle qu’il lui a consacrée, Sainte-Beuve l’a pris et repris nombre de fois, abordé de tous les côtés et à tout propos, dans ses Lundis et dans son Port-Royal. L'homme le séduit,