Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/23

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fondie des institutions sociales l'amena au respect des croyances religieuses. Mais, comme l'a remarqué Sainte-Beuve, dans cet hommage même qu’il rendait « à l'élévation et à l'idéalisation de la nature humaine », il demeura toujours et particulièrement politique et historien. Il prit et accepta les idées de justice et de religion plutôt par le côté pratique et positif que « virtuellement et en elles-mêmes ». Il n’avait aucune aptitude pour la métaphysique. Les causes premières lui semblant inaccessibles, il n’essayait point de les atteindre, et s’en tenait aux causes secondes, celles dont les effets tombent sous nos sens et sont objet d’expérience. Ses regards se confinaient sur la terre et ne s’étendaient point au-dessus de l’humanité. Pour les choses qui sont au delà de l’histoire et du monde, il s’en remettait à son instinct d’être vivant et conscient. Il se reposait, en dernier ressort, sur ces beaux lieux communs de l’espérance humaine qui, dans leur mystère même, lui semblaient encore la solution la plus satisfaisante que les hommes eussent trouvée au problème de leur destinée.

« Pourquoi tant de philosophie ? Dieu est si haut que nous n’apercevons pas même ses nuages. Nous ne le connaissons bien que dans ses préceptes. » Ces préceptes sont gravés en nous, et l’instinct social les développe en nos âmes à mesure qu’il nous porte à former la société. « Quand il n’y aurait pas de Dieu, nous devrions aimer toujours la justice, c’est-à-dire faire nos efforts pour ressembler