Page:Sorel - Montesquieu, 1887.djvu/42

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quand ils ne peuvent pas suppléer par eux-mêmes, ils relèvent toutes les grandes maisons par le moyen de leurs filles, qui sont comme une espèce de fumier qui engraisse les terres montagneuses et arides. »

Montesquieu nous montre le monarque despote, les ministres sans système, le gouvernement précaire, les parlements déchus, les liens de famille relâchés, la ruine des ordres, la jalousie des classes privilégiées, tous les signes, en un mot, de l’effondrement prochain du régime. Quel contraste entre Versailles, « où tout le monde est petit », et Paris, « où tout le monde est grand » ; où règnent « la liberté et l’égalité », « l’ardeur pour le travail », l’économie ; où la a passion de s’enrichir passe de condition en condition depuis les artisans jusqu’aux grands » ! Cette émulation ne va point sans un fond d’envie ; elle n’en est pas moins un des ferments de l’activité nationale. « Il n’y a point jusqu’aux plus vils artisans qui ne disputent sur l’excellence de l'art qu’ils ont choisi ; chacun s’élève au-dessus de celui qui est d’une profession différente, à proportion de l’idée qu’il s’est faite de la supériorité de la sienne. » Et ce Paris n’est que l’image de la nation. On ne voit en France que « travail et qu’industrie ». « Où est donc, écrit Usbek à son ami, ce peuple efféminé dont tu parles tant ? »

Ce sont des Français ; ils sont à la fois ardents à la fortune et passionnés d’égalité. Montesquieu n’aperçoit point en eux les éléments d’une démocratie qui s’est formée à l’ombre de la couronne, et