Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/127

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que des persécutions, les chrétiens avaient cru que Dieu comblerait Rome de faveurs le jour où l’empire cesserait de poursuivre les fidèles ; maintenant l’empire était chrétien et les évêques étaient devenus des personnages de premier ordre : cependant, tout continuait à marcher aussi mal que par le passé. Chose plus désolante encore, les mauvaises mœurs, si souvent dénoncées comme étant le résultat de l’idolâtrie, étaient devenues les mœurs des adorateurs du Christ. Bien loin d’imposer au monde profane une profonde réforme, l’Église s’était corrompue en imitant le monde profane : elle avait pris les allures d’une administration impériale et les factions qui la déchiraient étaient bien plutôt exaltées par l’appétit du pouvoir que par des raisons religieuses.

On s’est demandé souvent si le christianisme n’avait pas été la cause, ou du moins l’une des causes principales, de la chute de Rome[1]. Gaston Boissier combat cette opinion en essayant de montrer que le mouvement de décadence que l’on observe après Constantin continue un mouvement qui existait depuis longtemps, et qu’il n’est pas possible de voir si le christianisme a accéléré ou retardé la mort du monde antique[2]. Cela revient à dire que la conservation fut énorme ; nous pouvons, par analogie, nous représenter ce qui résulterait d’une révolution donnant aujourd’hui le pouvoir à nos socialistes officiels : les institutions demeurant à peu près ce

  1. Je me permets de renvoyer à ce que j'ai dit dans la Ruine du monde antique, pp. 32-38.
  2. Gaston Boissier, La fin du paganisme, livre IV, chap. iii.