Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/189

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les masses iront toujours à un César[1]. Il y a beaucoup de vrai dans ces jugements qui sont fondés sur une connaissance très étendue des civilisations ; mais il faut ajouter un correctif aux thèses de G Le Bon ; ces thèses ne valent que pour des sociétés dans lesquelles manque la notion de lutte de classe.

L’observation montre que cette notion se maintient avec une force indestructible dans tous les milieux qui sont atteints par l’idée de grève générale : plus de paix sociale possible, plus de routine résignée, plus d’enthousiasme pour des maîtres bienfaisants ou glorieux, le jour où les plus minimes incidents de la vie journalière deviennent des symptômes de l’état de lutte entre les classes, où tout conflit est un incident de guerre sociale, où toute grève engendre la perspective d’une catastrophe totale. L’idée de grève générale est à ce point motrice qu’elle entraîne dans le sillage révolutionnaire tout ce qu’elle touche. Grâce à elle, le socialisme reste toujours jeune, les tentatives faites pour réaliser la paix sociale semblent enfantines, les désertions de camarades qui s’embourgeoisent, loin de décourager les masses, les excitent davantage à la révolte ; en un mot, la scission n’est jamais en danger de disparaître.

3° Les succès qu’obtiennent les politiciens dans leurs tentatives destinées à faire sentir ce qu’ils nomment l’influence prolétarienne dans les institutions bourgeoises,

  1. G. Le Bon, Psychologie du socialisme, 3e édition, p. 111 et p. 457-459. L’auteur, traité, il y a quelques années, d’imbécile par les petits matamores du socialisme universitaire, est l’un des physiciens les plus originaux de notre temps.