Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/231

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tique évoque plutôt celle d’une dégénérescence. L’expérience montre que les classes en voie de décadence se laissent prendre plus facilement aux harangues fallacieuses des politiciens que les classes en voie de progrès, en sorte que la perspicacité politique des hommes semble être en rapport étroit avec les conditions qui règlent leur existence. Les classes prospères peuvent commettre souvent de très grosses imprudences, parce qu’elles ont trop confiance dans leur force, qu’elles regardent l’avenir avec trop de hardiesse et qu’elles sont dominées, pour un instant, par quelques délires de gloire. Les classes affaiblies se tournent régulièrement vers les gens qui leur promettent la protection de l’état, sans chercher à comprendre comment cette protection pourrait mettre d’accord leurs intérêts discordants ; elles entrent volontiers dans toute coalition qui a pour but de conquérir les faveurs gouvernementales ; elles accordent toute leur admiration aux charlatans qui parlent avec aplomb. Le socialisme a beaucoup de précautions à prendre pour ne pas tomber au rang de ce qu’Engels nommait un antisémitisme à grandes phrases[1] et les conseils d’Engels n’ont pas été toujours suivis sur ce point.

La grève générale politique suppose que des groupes sociaux, très divers, aient une égale foi dans la force magique de l’état ; cette foi ne manque jamais chez les groupes en décadence et elle permet aux bavards de se donner pour des gens ayant une compétence universelle.

  1. Engels, La question agraire et le socialisme, dans le Mouvement socialiste, 15 octobre 1900, p. 462. Cf. pp. 458-459 et p. 463.