Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/259

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

teux résultat, pour un changement de maîtres, pour la satisfaction d’idéologues, de politiciens et spéculateurs, tous adorateurs et exploiteurs de l’État. Elle ne veut pas s’en tenir aux formules de Marx : si celui-ci n’a point fait d’autre théorie que celle de la force bourgeoise, ce n’est point à ses yeux une raison pour s’en tenir rigoureusement à l’imitation de la force bourgeoise.

Au cours de sa carrière révolutionnaire, Marx n’a pas été toujours bien inspiré et trop souvent il a suivi des inspirations qui appartiennent au passé ; dans ses écrits, il lui est même arrivé d’introduire quantité de vieilleries provenant des utopistes. La nouvelle école ne se croit nullement tenue d’admirer les illusions, les fautes, les erreurs de celui qui a tant fait pour élaborer les idées révolutionnaires ; elle s’efforce d’établir une séparation entre ce qui dépare l’œuvre de Marx et ce qui doit immortaliser son nom ; elle prend ainsi le contre-pied des socialistes officiels qui veulent surtout admirer dans Marx ce qui n’est pas marxiste. Nous n’attacherons donc aucune importance aux textes nombreux qu’on peut nous opposer pour nous montrer que Marx a souvent compris l’histoire comme les politiciens.

Nous savons maintenant quelle est la raison de son attitude : il ne connaissait pas la distinction qui nous apparaît aujourd’hui si claire entre la force bourgeoise et la violence prolétarienne, parce qu’il n’a point vécu dans des milieux qui eussent acquis une conception satisfaisante de la grève générale[1]. Aujourd’hui nous pos-

  1. Les insuffisances et les erreurs que renferme l’œuvre de Marx, en tout ce qui touche à l’organisation révolution-