Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/289

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mais elles étaient d’une espèce fort distinguée, comme il convient à un gentilhomme socialiste ; il avait peur que la démocratie ne fût menacée d’une nouvelle « guillotine sèche », semblable à celle qui avait fait tant de mal aux démocrates vertueux durant les scandales de Panama[1]. Quand il vit que le public acceptait facilement la complicité du gouvernement et d’une association philanthropique transformée en association criminelle, il lança ses foudres vengeresses sur les protestataires. Parmi les plus drôles de ces protestataires, je signale un pasteur politicien de Saint-Étienne, nommé L. Comte. Il écrivait, dans cette langue extraordinaire que parlent les membres de la ligue des droits de l’homme : « J’espérais que l’affaire nous aurait guéris définitivement de la malaria morale dont nous souffrons et qu’elle aurait nettoyé la conscience républicaine du virus clérical dont elle était imprégnée. Il n’en était rien. Nous sommes plus cléricaux que jamais »[2]. En conséquence, cet homme austère demeurait dans la ligue ! Logique protestante et bourgeoise ! On ne sait jamais si la ligue ne pourra pas rendre de petits services aux excellents ministres du Saint-Évangile.

J’ai insisté un peu longuement sur ces incidents grotesques, parce qu’ils me semblent propres à caractériser la

  1. Cahiers de la quinzaine, 9e de la VIe série, p. 9. F. de Pressensé était, au temps du Panama le principal commis de Hébrard ; on sait que celui-ci fut l’un des principaux bénéficiaires du pillage panamiste ; cela ne l’a pas déconsidéré auprès des austères huguenots ; le Temps continue à être l’oracle de la démocratie raisonnable et des ministres du Saint-Évangile.
  2. Cahiers de la quinzaine, loc. cit ., p. 13.