Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/315

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bestiaux amenés sur le champ de foire à une taxe jugée inique par les éleveurs… les éleveurs se mirent en grève et cessèrent d’approvisionner le marché de Marmande, si bien que la municipalité se vit contrainte de céder »[1]. Voilà un procédé très pacifique et qui a pu donner des résultats avantageux pour les paysans ; mais il est évident que la moralité n’a rien à faire dans un tel débat.

Lorsque les hommes politiques interviennent, il y a, presque nécessairement même, un abaissement notable de la moralité, parce que ceux-ci ne font rien pour rien et n’agissent qu’à la condition que l’association favorisée se classe dans leur clientèle. Nous voilà bien loin du chemin du sublime, nous sommes sur celui qui conduit aux pratiques des sociétés politico-criminelles.

Suivant beaucoup de savantes personnes, on ne saurait trop admirer le passage de la violence à la ruse qui se manifeste dans les grèves actuelles de l’Angleterre. Les trade-unions tiennent beaucoup à se faire reconnaître le droit d’employer la menace enveloppée de formules diplomatiques : elles désirent ne pas être inquiétées quand elles font circuler autour des usines des délégués chargés de faire entendre aux ouvriers qui veulent travailler, qu’ils auraient grand intérêt à suivre les indications des trade-unions ; elles consentent à exprimer leurs désirs sous une forme qui sera parfaitement claire pour l’auditeur, mais qui pourra être présentée au tribunal comme étant un sermon solidariste. J’avoue ne pas comprendre

  1. De Rocquigny, op. cit., pp. 379-380. Je serais curieux de savoir en quoi une taxe peut être inique ; mystère et Musée social ! Les braves gens parlent une langue spéciale.