Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/340

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ment pas les occupations qui ne procurent pas de célébrité (et partant pas de profits) ; ils ne sont donc point disposés à s’occuper des œuvres syndicales qui veulent demeurer prolétariennes ; ils font la parade sur la scène parlementaire, et cela n’a pas généralement de graves conséquences. Les hommes qui participent vraiment au mouvement ouvrier actuel, donnent l’exemple de ce que l’on a toujours regardé comme étant les plus hautes vertus ; ils ne peuvent, en effet, recueillir aucune de ces choses que le monde bourgeois regarde comme étant surtout désirables. Si donc l’histoire récompense l’abnégation résignée des hommes qui luttent sans se plaindre et accomplissent sans profit une grande œuvre de l’histoire, comme l’affirme Renan[1], nous avons une raison nouvelle de croire à l’avènement du socialisme, puisqu’il représente le plus haut idéal moral que l’homme ait jamais conçu. Ce n’est pas une religion nouvelle qui se ferait sous terre, sans l’aide des penseurs bourgeois ; c’est une vertu qui naît, une vertu que les intellectuels de la bourgeoisie sont incapables de comprendre, une vertu qui peut sauver la civilisation, — comme Renan espérait que celle-ci serait sauvée, — mais par l’élimination totale de la classe dans laquelle Renan avait vécu.

Examinons maintenant de près les raisons qui faisaient redouter à Renan une décadence de la bourgeoisie[2] ;

  1. Renan, op. cit., tome IV. p. 267.
  2. Renan a signalé un symptôme de décadence sur lequel il a trop peu insisté, et qui ne semble pas avoir beaucoup frappé ses lecteurs ; il était agacé par l’agitation, les