Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/350

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monde contemporain tient le plus et qu’il considère comme les vraies valeurs de vertu, ne se réalisent pas dans les couvents, mais dans la famille ; le respect de la personne humaine, la fidélité sexuelle et le dévouement pour les faibles constituent les éléments de moralité dont sont fiers tous les hommes d’un cœur élevé ; — c’est même très souvent à cela que l’on réduit la morale.

Lorsqu’on examine, avec un esprit critique, les écrits si nombreux qui ont trait aujourd’hui au mariage, on voit que les réformateurs sérieux se proposent de perfectionner les rapports familiaux de manière à assurer une meilleure réalisation de ces valeurs de vertu : ainsi, on demande que les scandales de la vie conjugale ne soient point étalés devant les tribunaux, que les unions ne soient plus maintenues quand la fidélité n’existe plus, que la tutelle des chefs ne soit pas détournée de son but moral pour devenir une exploitation, etc.

D’autre part, il est curieux d’observer à quel point l’Église moderne méconnaît ces valeurs que la civilisation christiano-classique a produites : elle voit surtout dans le mariage un accord d’intérêts financiers et mondains ; elle est d’une extrême indulgence pour la galanterie ; elle ne veut pas admettre que l’union soit rompue quand le ménage est un enfer, et ne tient nul compte de l’obligation de se dévouer. Les prêtres s’entendent à merveille pour procurer de riches dots aux nobles appauvris, au point qu’on a pu accuser l’Église de considérer le mariage comme un accouplement de gentilshommes vivant en marlous et de bourgeoises réduites au rôle de marmites. Quand on la rétribue largement, elle a des raisons de divorce imprévues et trouve moyen