Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/36

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sir d’être apprécié par les gens intelligents, il n’y en a pas de plus grand que celui de n’être pas compris par les brouillons qui ne savent exprimer qu’en charabia ce qui leur tient lieu de pensée ; mais j’ai tout lieu de supposer que dans le brillant entourage de ce bonisseur[1], il n’y a personne ayant entendu parler du Mouvement socialiste. Que l’on fasse une insurrection lorsqu’on se sent assez solidement organisé pour conquérir l’État, voilà ce que comprennent Viviani et les attachés de son cabinet ; mais la violence prolétarienne, qui n’a point un tel but, ne saurait être qu’une folie et une caricature odieuse de la révolte. Faites tout ce que vous voudrez, mais ne cassez pas l’assiette au beurre !


III


Au cours de ces études j’avais constaté une chose qui me semblait si simple que je n’avais pas cru devoir beaucoup insister : les hommes qui participent aux grands mouvements sociaux, se représentent leur action pro-

  1. Dans le même discours, Viviani a fort insisté sur son socialisme et déclaré qu’il entendait « demeurer fidèle à l’idéal de ses premières années civiques ». D’après une brochure publié en 1897 par les allemanistes sous le titre : La vérité sur l’Union socialiste, cet idéal aurait été l’opportunisme : en passant d’Alger à Paris, Viviani se serait transformé en socialiste, et la brochure qualifie de mensonge son attitude nouvelle. Évidemment, cet écrit a été rédigé par des énergumènes qui ne comprennent rien aux élégances.