Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/401

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développement des conflits ; il n’est pas douteux qu’elles constituent une traduction idéologique très convenable de la lutte engagée par l’Église.

Quand on a bien compris la portée de ces anciens documents, on se rend mieux compte de ces revendications qui firent un si grand scandale dans le monde libéral lorsque fut publié en 1864 le Syllabus de Pie IX. L’Église a presque toujours eu la claire conscience que, pour remplir le rôle qui lui a été attribué par son fondateur, elle est tenue d’affirmer un droit absolu, bien que, dans la pratique elle soit disposée à accepter beaucoup de limitations à son autorité, en vue de faciliter la marche des sociétés civiles dans lesquelles elle est insérée. La diremption permet seule de reconnaître la loi intérieure de l’Église ; dans les périodes où la lutte est sérieusement engagée, les catholiques revendiquent pour l’Église une indépendance conforme à cette loi intérieure et incompatible avec l’ordre général réglé par l’État ; le plus souvent la diplomatie ecclésiastique arrange des accords qui dissimulent l’absolu des principes pour l’observateur superficiel. L’harmonie n’est qu’un rêve des théoriciens, qui ne correspond ni à la loi intérieure de l’Église, ni aux arrangements pratiques, et qui ne sert à rien expliquer dans l’histoire.

A chaque renaissance de l’Église, l’histoire a été bouleversée par des manifestations de l’indépendance absolue réclamée par les catholiques ; ce sont ces époques de renaissance qui révèlent ce qui constitue la nature essentielle de l’Église ; ainsi se trouve pleinement justifiée la méthode de diremption indiquée à la fin du § II.