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longtemps pour moi : je mets toute la discrétion possible dans mes folies de jeune homme, pour que tout cela ne me nuise pas : vous avouerez donc qu’il est insupportable d’être compromis pour celles des autres.

— Ma foi ! mon cher monsieur de Mareuilles, reprit Luizzi, je suis charmé que cela vous ait déplu ; car j’ai reçu de madame de Marignon un billet qu’une femme sans mari et sans fils pouvait seule écrire. Si, en votre qualité de futur gendre, il vous plaît de prendre la responsabilité de son insolence, vous me rendrez un véritable service.

— Qu’à cela ne tienne, répondit M. de Mareuilles, sans préjudice de ce que nous nous sommes promis pour mardi !

— C’est trop juste, reprit Luizzi ; et, comme je crois qu’il y a autant de folie à se battre pour le respect qu’on doit au monde de madame de Marignon que pour la foi que je puis avoir en madame de Farkley, vous trouverez bon que ce soit demain un jour de carnaval.

— Vous faites de l’esprit, monsieur Luizzi ! repartit M. de Mareuilles d’un ton de dédain.

— Et vous de la fatuité, repartit le baron.

— Pas tant que vous, dit Mareuilles en riant ; car vous avez celle de croire qu’une femme qui vous écrit le lendemain du jour où elle vous a vu pour la première fois n’a pas pu en faire autant pour moi et beaucoup d’autres.

— Mais ce billet n’est pas de madame de Farkley, répondit Luizzi, qui croyait de plus en plus en reconnaître l’écriture.

— Eh bien ! dit Mareuilles, si cela n’est pas, j’aurai eu tort une fois par hasard. Pourtant je suis tellement sûr du contraire, que je m’engage à lui en faire des excuses si je me suis trompé. Mais, s’il est de madame de Farkley, je vous donnerai un conseil d’ami, c’est de ne pas faire de tout ceci un scandale sérieux et sanglant, de venir chez madame de Marignon lui témoigner vos regrets de tout ce qui est arrivé, et de ne pas vous exposer à vous faire montrer au doigt pour une femme qui n’en vaut pas la peine.

Luizzi ne répondit pas, mais il brisa le cachet avec impatience et courut à la signature : c’était celle de madame de Farkley.

Il est difficile d’exprimer le sentiment de dépit et de douleur qui s’empara de Luizzi à cette vue. S’il eût mieux connu les sentiments intimes du cœur d’un homme, il eût compris que cette femme ne lui était pas indifférente, par le chagrin qu’il éprouva de lui voir justifier la mauvaise opinion qu’on avait d’elle. Il lut le billet, qui était ainsi conçu :