Page:Soulié - Les Mémoires du Diable, 1858, tome I.djvu/69

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

femmes perdues ? Sur cette raison, il se leva fièrement, et, s’étant enfermé, il fit retentir la magique sonnette. Le Diable parut devant lui. Il avait le costume d’un élégant en visite, de ceux qui sentent bon, qui ne voient qu’à travers un lorgnon, qui parlent avec une parole bâillée, comme des carpes qui happent un moucheron à la surface de l’eau. Il paraissait ennuyé, et il lorgna Luizzi avec un petit ricanement que celui-ci reconnut aussitôt.

— Eh bien ! lui dit-il, que veux-tu de moi ?

— Je veux savoir l’histoire de madame du Val et celle de madame Dilois.

— C’est bien long !

— Nous avons le temps.

— Et à quoi cela te mènera-t-il ?

— À connaître les femmes !

— À savoir le secret de deux femmes, voilà tout. Vous êtes fous, vous autres hommes. Vous vous figurez que toute une vie est dans une aventure. La vertu des femmes, monsieur le baron, est une chose de circonstance. Un hasard peut la faire chanceler et la laisser choir, sans qu’il y ait de leur faute.

— Il me semble que la conduite de madame du Val peut me donner lieu de penser…

— Que c’est une impudente débauchée, n’est-ce pas ?

— Eh bien ! oui. Se donner en une heure à un homme…

— Qu’elle connaissait depuis longtemps et qui l’avait aimée. Et si elle s’était donnée au premier venu ?

— C’est le fait d’une fille publique !

— Pas tout à fait.

— D’une folle !

— Point du tout. Écoute-moi bien : je t’ai trouvé dans l’ébahissement sur l’air de vertu qu’on respire ici ; eh bien ! je veux te raconter une petite anecdote qui te prouvera que votre manière de juger les femmes est stupide, même dans les idées de votre morale humaine.

— Il s’agit de madame Buré ?

— Oui.

— Ce doit être une honnête femme !

— Tu en jugeras.

— Aurait-elle commis quelque faute ?

— Je ne sais pas, moi ; mais je crois que madame Dilois en a fait une en ne te cédant pas.