Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/104

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s’élève à des hauteurs qu’Homère et Virgile, Dante et Milton ont pu seuls atteindre. Effrayé par les malédictions de son neveu et peut-être plus encore par l’attentat coupable de son fils, le vieux roi Dhritarâchtra accorde à l’héroïne toutes les compensations qu’elle exigera ; elle se borne à demander sa liberté et celle de ses cinq époux. Pauvres, dépouillés, ne conservant que leurs chariots et leurs armes, ils s’éloigneront, ils seront réduits à eux-mêmes ; mais c’est assez. Malheureusement, espérant prendre leur revanche, ils proposent une deuxième partie de dés : d’autant plus aisément battus qu’ils sont plus honnêtes, ils perdent encore et, cette fois, définitivement. On leur impose et ils acceptent la loi de quitter la contrée, de s’exiler pendant douze ans et de demeurer une treizième année sans se faire reconnaître de personne : les voilà de nouveau proscrits et fugitifs !

Le troisième livre, celui de la forêt (Vana-Parva), forme un long hors-d’œuvre dans l’ensemble du poème ; mais il est un des plus intéressants à lire, à cause des innombrables récits dont il est parsemé. Les cinq héros, errant à travers les bois avec leur mère et leur femme, avec mille brahmanes qui les suivent en les faisant vivre de leurs aumônes, paraissent n’avoir d’autre souci que de visiter les lieux de pèlerinage les plus vénérés et que d’entendre raconter par de pieux anachorètes ou même par des créatures surhumaines des histoires miraculeuses et des légendes. Une des principales est d’abord ce qu’on nomme l’épisode du Montagnard, qui a fourni depuis au poète indien Bhâravi le sujet d’une épopée sanscrite intitulée : Kirâtardjounîya et dont le docteur C. Schutz (à Bielefeld, en 1845) a traduit les deux premiers chants. Ardjouna, le plus brave des cinq frères, comme Voudhichthira en est le plus vertueux, comme Bhimaséna en est le plus robuste, dans le but d’accomplir des vœux et des sacrifices religieux, se dirige au nord vers les sommets de l’Himavat et parcourt des bois sombres, hérissés de ronces, remplis de fruits variés, peuplés d’oiseaux et d’animaux de