Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/108

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pies, les profanateurs du culte, ceux qui s’enivrent, ceux qui se gorgent de viandes, les adultères. Il fallut traverser cette radieuse forêt, résonnant d’une divine mélodie, pour entrer dans la cité d’Indra (Amaravati), où des milliers de chars animés s’élançaient ou s’arrêtaient devant lui, où ses louanges étaient répétées par la voix des chantres et des nymphes, tandis qu’un ravissant zéphir l’inondait de senteurs embaumées. Là, les divinités et les bienheureux accueillirent avec allégresse ce guerrier aux bras athlétiques ; salué par leurs bénédictions mêlées au bruit des instruments célestes, aux sons des conques et des cymbales, il suivit la route étoilée, le lumineux sentier des soleils : entouré des génies du ciel, de la terre et de l’air, de l’élite des brahmanes et des rois, il arriva, comblé d’honneurs, en présence du souverain des dieux.

Pendant ce temps-là, le prêtre Lômaça racontait à Youdhichtira des histoires merveilleuses, qui ont été traduites par MM. Th. Pavie et Foucaux : entre autres, celle d’Ilvala et Vâtâpi, qui est indiquée par allusion dans un hymne du Rig-Véda, mentionnée dans le Vishnou-Pourâna, narrée au quatrième chant du Râmâyana ; M. Albrecht Weber, dans ses Indische studien, a tenté de l’expliquer, sous sa forme passablement singulière qui rappelle tout ce que les Métamorphoses d’Ovide ou nos contes de fées offrent de plus surprenant ; elle cachait sans doute quelque souvenir local et antique. Cet Ilvala et ce Vâtâpi étaient deux mauvais génies, habitant la ville de Manimati. Ilvala désirait un fils ; un brahmane, par sa malédiction, l’empêcha d’en avoir un : de là, une violente rancune du démon contre tous les brahmanes en général, et voici de quelle étrange façon il se vengea d’eux. Comme il était magicien, il changeait son frère en bélier, le faisait manger à tel ou tel de ses ennemis qu’il invitait, puis le rappelait à la vie, si bien que Vâtâpi, sortant brusquement du corps de l’invité, le déchirait en lambeaux. La caste sacerdotale se serait vite éteinte sans un sauveur tiré d’elle-même, sans Agastya, ce bienheureux qui tient une si grande place dans la vie de Râma et dans