Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/111

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nations du dieu Wishnou, lequel, par conséquent, a communiqué sa nature à l’un et à l’autre, tout en la gardant pour lui. L’orgueil d’un des héros contraste avec la gravité de l’autre : par une permission divine, le fils de Dasarâtha se montre au fils de Djamadagni tel qu’il est réellement, et Paraçou-Râma aperçoit dans le corps transparent de son rival toutes les catégories de dieux et de demi-dieux, les vents, les esprits célestes, les esprits malins, jusqu’aux Bâlakhylias (ces sages, au nombre de soixante mille, qui ne sont pas plus hauts que le pouce et qui sont nés des pores du corps de Brâhma), en somme un résumé de l’univers entier. À la vue de tant de splendeurs, il s’humilie et se retire.

Puis, vient la légende de l’asoura Vritra, tué par le dieu Indra, une de ces innombrables images du conflit entre le bien et le mal, entre le ciel et l’enfer, qui ne manquent à aucune poésie religieuse. Elle était déjà citée dans bien des hymnes védiques ; mais elle n’y avait qu’un sens purement allégorique et avait trait simplement à la production de la pluie, phénomène des plus importants sous un climat aussi sec et aussi ardent que celui de l’Inde. Ainsi que l’a fait remarquer le savant Wilson, Vritra, c’était la vapeur condensée en l’air et emprisonnée sous les nuages, purifiant l’air et faisant ruisseler l’eau sur la terre en rosées bienfaisantes. Dans le Mahâbhârata, où il est répété deux fois, ce mythe naturaliste emprunte à l’anthropomorphisme des couleurs toutes nouvelles. Vritra est ici un démon, entouré de ses satellites, les Kâlakêyas : il fait trembler les divinités sur leurs sièges ; Brâhma leur donne le conseil de demander secours à l’ermite Dadhîtcha ; car, selon la mythologie hindoue, les dieux ont besoin des hommes aussi fréquemment que les hommes ont besoin des dieux. Les Souras rendent donc visite en corps à Dadhîtcha, qui résidait près de Sarasvati, au fond d’un bois rempli d’abeilles, ayant pour unique société les buffles et les sangliers, les lions et les tigres, les éléphants et les daims, les coucous et les faisans qui vivaient tous ensemble fraternelle-