Page:Soupé - Études sur la littérature sanscrite.djvu/122

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beaux que leurs parents : leur félicité est extrême, mais elle est courte, ainsi qu’il arrive ici-bas, et d’affreuses péripéties viennent l’interrompre. Entraîné par deux démons, Nala perd au jeu contre son frère ses trésors, ses domaines, sa couronne; il ne lui reste que Damayantî. Banni par ce frère, il se réfugie dans une forêt sauvage et y devient fou, au point d’abandonner sa compagne fidèle : sa personne change, comme son caractère, et il va, en qualité d’écuyer, servir le roi d’Ayodhyà. Damayanli, constante, vertueuse, désolée, exhale les plaintes les plus touchantes, échappe à mille dangers, se retire à la cour de Tchêdi et trouve enfin moyen de revenir près de son père. Mais elle ne saurait oublier son époux, tout coupable qu’il soit : afin de le revoir, elle imagine de faire annoncer pour elle de nouvelles fiançailles ; entre beaucoup d’autres princes, le roi d’Ayodhyà se présente, et avec lui son écuyer. Les pressentiments de la jeune femme, son trouble h la vue de son mari transformé et déchu, la manière dont il retrouve ses enfants, le pardon de l’épouse relevant l’époux de sa déchéance et lui rendant la beauté, la raison et le bonheur, tout cela est délicatement retracé. Nala, revenu à lui-même, prend sa revanche ; il regagne au jeu contre son frère tout ce qu’il avait perdu et remonte, calme et fier, sur ce trône que Damayantî partage si noblement avec lui.

A moins d’une partialité évidente, il est impossible de ne pas comparer, de ne pas égaler de semblables peintures aux tableaux les plus hautement loués des épopées homériques : malheureusement, dans le Mahâbhârata, ils sont submergés sous une multitude de digressions oiseuses, de fables étranges, de descriptions interminables; ce sont comme des fleurs suaves et enivrantes, qu’il faut cueillir sur la pente de précipices immenses, au risque de s’y perdre sans retour. Une autre de ces bonnes fortunes que nous présente le poëme sanscrit, une de ces riantes oasis qui égaient de loin en loin cet ensemble de style et d’idées si vaste et souvent si aride,