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148 ÉTUDES SUR LÀ LITTÉRATURE SANSCRITE.

ches acérées : des roches de fer, des cuves pleines de lait bouil- lant et d'huile brûlante, des buissons meurtriers, offraient plus d'un supplice pour les méchants... Troublé par ces miasmes fu- nestes, Youdhichthira allait reculer en arrière, lorsque ces paroles plaintives s'élevèrent des gouffres de la nuit : « Hélas ! monarque illustre et équitable, arrête-toi un instant pour adoucir nos peines. Autour de toi voltige comme un zéphir délicieux ; c'est le parfum de ton âme pieuse : il nous rend le calme, ce calme longtemps attendu. Reste ici, puissant fils de Bhàrata, reste; car, en ta présence, nous cessons de souffrir. » Vivement ému de ces clameurs lamen- tables, le héros soupire; ces voix chéries et si souvent entendues, il ne parvenait pas à les distinguer dans leur expression doulou- reuse. Enfin il les reconnaît ; et tout à coup, éclairé, consterné, accusant la justice divine, s'agitant au sein de cette atmosphère étouffante, il crie au messager : « Va, remonte vers ceux dont tu remplis les ordres ; quant à moi, je renonce à y retourner; ceux que j'aime sont ici; je demeurerai près d'eux, et, en me voyant, ils souffriront moins. » Le guide, entendant ces paroles, regagne le palais d'Indra et apprend au maître des dieux la volonté du descendant de Bhàrata. Après que Youdhichthira eût été laissé quel- que temps dans la région des châtiments, Indra, Yama et toutes jes autres divinités descendirent dans l'abîme infernal. Aussitôt la lumière, émanée de tant de vertus réunies, dissipe les ténèbres, et les tortures des méchantsdisparaissent. Plus de fleuve enflammé, de forêt épineuse, de lacs de feu, de rochers d'airain; plus de cadavres affreux : un souffle doux et embaumé se répandit sur les traces des dieux ; l'enfer fut illuminé de l'éclat radieux du ciel.

L'épreuve suprême et décisive est accomplie ; Youdhich- thira aurait subi la damnation même avec les élus de son cœur plutôt que de jouir sans eux d'une éternelle félicité. Indra l'absout de ses fautes et couronne ses mérites: les chantres divins aux mélodieux concerts, les nymphes aérien- nes, parées de leurs ornements les plus splendides, lui ser- vent de cortège ; il voit ses ancêtres, ses amis, ses adversaires siégeant sur des trônes d'or et applaudissant à son triomphe. 11 se baigne dans le Gange sacré, ce fleuve terrestre qui a sa source au haut des cieux et qui purifie les âmes, comme

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