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LE RAMAYANA. 195

l'épée, la masse d'armes. Par un contraste heureux, au mi- lieu de ces rebutantes images se détache d'autant mieux, pure et lumineuse, la figure de la fidèle Sîtâ, leur prison- nière; désolée, faible, amaigrie par l'abstinence, ayant re- noncé à toute parure, baignée de larmes, invoquant la mort, elle en paraît plus belle et plus aimable. Râvana, comme il le fait chaque matin, vient lui présenter ses odieux homma- ges et tente de fléchir sa vertu. Les arguments qu'il emploie n'ont pas trop vieilli depuis deux mille cinq cents ans. Il la presse, la rassure, lui prodigue tour à tour les offres et les menaces. Qu'elle dise un mot, et elle sera son épouse pré- férée, la vraie reine de son empire ; qu'elle fasse un signe, et pour elle il ira conquérir le monde.

Vain espoir ! discours perdus ! La fille du roi de Mithilâ, la femme du roi d'Ayodhyâ n'a pas besoin d'opulence ni d'honneur au prix de la honte. Elle repousse le tentateur, elle le méprise, elle l'insulte, et, avertie par de secrets pres- sentiments, elle lui prédit que sa ville sera envahie et son sceptre brisé. Le tyran exaspéré ne lui accorde plus que deux mois de répit; ce délai écoulé, il sera sans pitié; il se vengera de celle qu'il n'aura pu toucher, et ses cuisi- niers (il en fait le serment) la couperont en morceaux et la serviront sur la table royale : elle l'épousera ou il la dévo- rera. C'est ainsi que, dans cette poésie sanscrite, privée sur- tout d'art et de mesure, à des sentiments vrais et poétiques succèdent soudain des exagérations choquantes et presque burlesques. Quoi qu'il en soit, le souverain de Lanka aban- donne sa victime aux outrages et aux violences des ogresses, qui forment un horrible conciliabule et accablent la malheu- reuse captive de leurs conseils pervers, de leurs reproches amers, de leurs railleries infâmes. Sîtâ se débat, pleure et appelle à son aide ce Râma et ce Lakshmana qui la délais- sent; Hanoûmat, ému de pitié, l'encourage, en se montrant à elle, sous sa forme de singe, derrière les rameaux de l'ar- bre au pied duquel elle est assise. Il lui apporte, de la part

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