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260 ÉTUDES SUR LA LITTÉRATURE SANSCRITE.

vaudevilles les plus incohérents, nos mélodrames les plus ampoulés, nos féeries les plus ineptes se jouent durant six mois consécutifs : au contraire, les pièces indiennes, aussi bien que les pièces grecques, n'étaient habituellement exé- cutées qu'une seule fois ou, si on les reprenait, c'était longtemps après et en y adaptant des prologues composés exprès. Ecrites en vers du moins en grande partie, mais employant alternativement, selon les personnes qui y figu- raient, le sanscrit (langue savante) et le prâcrit (langue nou- velle), elles ne se conformaient guère'à ces unités de temps et de lieu, si souvent dédaignées par les Grecs eux-mêmes et prêtées un peu au hasard à un rhéteur éminent par un pé- dant subtil, à Aristote par d'Aubignac. Elles exhibaient des types de toutes les conditions, fût-ce des plus vulgaires, et réunissaient, à l'occasion, les détails les plus familiers aux élans les plus exaltés du lyrisme. Elles relèvent donc, au bout, du compte, du système romantique, et elles avaient usé par avance de toutes les libertés que se sont arrogées depuis les Shakespeare et les Calderon, les Gœthe et les Schiller, les Hugo et les Dumas. Ce qu'il sied du reste d'y constater dès à présent, sauf dans les dernières qui appartiennent à une période de décadence et de grossièreté, c'est qu'elles ne s'a- baissaient guère jusqu'à la licence; c'est que la moralité en était presque irréprochable. L'amour y était prodigué; mais c'était l'amour conjugal ou l'amour libre et suivi de ma- riage, rarement l'amour coupable, rarement l'adultère, ce lieu commun favori de nos romans et de nos drames. Grâce cà la polygamie, qui n'était nullement un cas pendable en ces âges et en ces pays reculés, les héros, si la médiocrité de leur situation de fortune ne s'y opposait point, pouvaient adorer, courtiser et épouser toutes les vierges qui leur plai- saient; en revanche, l'épouse d'autrui leur était sévèrement interdite par les convenances sociales, la loi civile et le dogme religieux, malgré plus d'un exemple opposé, fourni malheureusement par la mythologie brahmanique. En outre,

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