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LE THÉÂTRE INDIEN. 265

leur répondre, les femmes mariées en avaient le droit et l'habitude plus que chez les Grecs, les Romains ou les Musulmans. Autant qu'on en peut juger, ces dernières assistaient souvent aux spectacles, aux processions, aux fêtes de mariages : elles allaient en voyage; elles se rendaient aux temples ; elles faisaient leurs ablutions dans des torrents consacrés. Il ne leur était pas défendu d'entretenir au dehors et même de recevoir à l'intérieur de leurs maisons des hommes qui n'étaient point de leur famille. L’antapoura était pour elles plus libre et moins monotone que le gynécée des Hellènes, le sérail des Turcs, le zénana des Persans ou le harem des Arabes.

On doit ajouter que les courtisanes, élevées pour plaire et pour charmer, polies et instruites, douées d'une foule de talents, mises avec recherche et avec goût, riches et fastueuses, occupaient dans la société indienne la même place que les hétaïres dans la société hellénique, que Laïs à Corinthe, qu'Aspasie ou Phryné à Athènes; et, quoique leur fréquentation fût blâmée en principe et jugée contraire à la religion et à la sagesse, il est aisé de reconnaître que dans la pratique elles étaient loin d'encourir et de justifier le mépris dont leurs pareilles aujourd'hui sont accablées, non sans de graves motifs, par la morale officielle, sauf à ce qu'elles se dédommagent par des triomphes scandaleux dans la vie privée. Il n'est donc pas surprenant que le théâtre, à cet égard, ait reproduit les usages, les impressions ou les préjugés d'alors, et les femmes de cette classe étaient capables d'y provoquer un intérêt dont les spectateurs n'étaient que fort modérément choqués. Plus d'une fois, on opposa telle d'entre elles, comme une compagne brillante et agréable, à l'épouse légitime, qui était plus honnête, plus utile, mais moins attrayante et qui avait surtout à cœur de nourrir ses enfants et de surveiller ses domestiques. A propos d'une de ces austères matrones, qui auraient tenu tête à la femme forte de l'Ecriture ou à la Lucrèce de la tradition latine, un texte sans-