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346 ÉTUDES SUR LA LITTÉRATURE SANSCRITE.

vin planant sur les eaux) ; ce pilote qui navigue à tra- vers l'océan du génie ; cet excellent guide dans la route de l'imagination; cette mine précieuse d'harmonie et de style, etc. » S'il y a peu de goût dans ce luxe d'hyperboles élogieuses, du moins, c'est pour nous, lettrés de l'Occident, un spectacle instructif et consolant de voir des savants étudier à fond les œuvres dont ils parlent, et d'entendre des critiques louer respectueusement les écrivains qu'ils commentent.

Le second chapitre, qui roule sur la nature des idées et les différents sens des mots, est d'une subtilité dont les rhéteurs grecs et allemands donneraient à peine l'idée. Il y est dit : que la poésie ne se compose que de pensées ; que toute pensée doit avoir de la vraisemblance, de la suite et de la liaison ; qu'un mot ne doit pas être confondu avec une racine (chose, en effet, bien différente dans la langue sans- crite); qu'il peut être sous-entendu, pris au propre ou méta- phoriquement. Nous y remarquons qu'il existait pour les grammairiens hindous quatre catégories qui rappellent celles d'Aristote, de l'école de Port-Royal ou de Kant : les espèces, les qualités, les êtres et les actions. Ainsi, selon l'annotateur, Dieu, fleuve, vache, voilà des espèces ; blanc, chaud, large, voilà des qualités; Wishnou, Rama, Sakuntâla, voilà des êtres ; manger, courir, dormir, voilà des actions. Il fait men- tion de l'association des idées, des alliances de mots, des al- lusions, de l'ironie, des figures de pensées les plus délicates; il trouve à une expression jusqu'à trente-deux ou quarante sens possibles et même quatre-vingts, selon la manière dont elle est amenée, employée ou accompagnée. En fait de mi- nutie, les Indiens étaient passés maîtres, et les chefs de la scolastique en Occident, qui vivaient à peu près dans le même temps que Viswanàtha, n'auraient rien pu lui apprendre à cet égard. Il montre fort bien comment le lieu, le temps, le voisinage des autres termes, les circonstances, les motifs et les occasions peuvent modifier l'acception d'un mot. A l'ap-

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