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Page:Souriau - Histoire du Parnasse, 1929.djvu/185

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VERS LE PARNASSE

Une vierge est simplement ridicule. La mer des yeux est grotesque : dans les yeux de sa maîtresse, qui sont une mer profonde,


Il nage en chantant comme un voilier qui louvoie.


Dans le fond de ces yeux, qui sont un abîme, mon esprit, dit-il, aperçoit


Mon cadavre amoureux qui pleure à tes pieds sombres.


Comme tous les talents de troisième ordre, Ricard prend l’étrange pour l’original. Il publie deux sonnets, Le Printemps et L’Hiver, thèmes connus, avec cette innovation, trois tercets au lieu de deux ; il les baptise, avec quelque pédantisme : sonnets estrambotes[1].

Son envoi de 1869 n’est pas beaucoup plus heureux. Il y a là des prétentions à la poésie philosophique : la pièce sur Dieu est de doctrine incertaine, et de forme imparfaite :


La caravane, après un lent désert torride,
Trouvera l’oasis, pleine de chants d’oiseaux,
Où le svelte palmier baigne d’une ombre aride
Le parfum du lotus qui fleurit sur les eaux.


Il y a encore une pièce à Danton, qui n’est pas d’un inspiré, mais d’un épileptique. Elle se termine par une stance frénétique et obscure :


Sois présent, comme un dieu terrible, à nos orages !
Ensanglante d’éclairs vengeurs ces vils troupeaux
De lâches, qui, l’œil clos et repus de carnages
Lèchent le sang des forts qui rougit leurs couteaux.


Est-ce une attaque au 2 décembre ? C’est assez probable, car il est question au début de châtier des soldats et des prêtres. Il y a là un écho des Châtiments, comme il y a un reflet d’Agrippa d’Aubigné dans son poème du Parnasse de 1876 : l’Apologie du sire Pugnaire de Faucancourt ! C’est l’histoire d’un seigneur huguenot, revenant en 1573 dans son château où l’on a, un an auparavant, en l’honneur de saint Barthélémy, massacré sa fille. Il y a autant

  1. De l’italien strambotto, de l’espagnol estrambote, ou du normand estrambot ; cf. G. Paris, Journal des Savants, septembre 1898, p. 531 : « L’estrambot, forme de versification considérée comme irrégulière, comme boiteuse…, en ce sens me paraît s’être conservé dans l’espagnol estrambote qui signifie une queue irrégulière ajoutée à une strophe régulière ».