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Arts et artistes

Il est vrai que l’art n’a pas pour but de moraliser, mais il n’a pas non plus pour mission de scandaliser les gens. « L’art pour l’art »… drôle de conception. L’art pour la beauté de la forme sans se soucier du fond. Chose curieuse : en littérature, les obscénités, même bien présentées, dégoûtent les honnêtes gens. En peinture, on peut tout se permettre. L’indifférence au contenu est chic, bien portée. J’ai entendu dire par des gens de goût — qui ne sont peut-être pas des polissons : « Peu m’importe le sujet traité ; je ne vois que l’exécution ». Alors, la composition, ce n’est rien ? On peut dire n’importe quoi, pourvu que ce soit bien dit. Raisonnons un peu. L’artiste n’est pas un moraliste, mais il se doit d’être une personne morale. S’il nous offre les déliquescences d’une mentalité malsaine, son œuvre est malsaine, même traitée avec le plus grand talent. Pour mon goût, j’ai besoin de propreté et de bon sens. La forme et le fond sont inséparables ; je crois que si celui-ci se galvaude, celle-là en pâtira, s’altèrera… etc.

Que dirait Flaubert de ce joli vers :

« C’est un jeune vieillard aux cheveux blanc d’ébène ».

La forme y est. Mais le fond…


Une œuvre d’art, est-ce autre chose qu’un reflet de celui qui l’a conçue ? L’artiste peut-il y mettre autre chose que lui-même ? Tout son être essentiel apparaîtra, quoi qu’il dise, dans ses créations. Il ne faut pas qu’un auteur veuille nous faire accroire qu’il n’est que le « miroir des faits ». L’impersonnalité dans l’art… quelle blague ! Le choix à faire n’implique-t-il déjà pas une opinion personnelle ?


La peur de la banalité est une erreur.

Qu’est-ce que la banalité ? c’est l’originalité d’hier. En art, il y a le beau et le laid, le bon et le mauvais. La manie de disséquer ses impressions fausse le jugement, paralyse la sensibilité. Contentons-nous de chercher à comprendre. Beethoven a-t-il eu peur de la banalité quand il a exposé son chœur de la 9e  symphonie avec les 5 notes du roi Dagobert ? Amenées et disposées comme elles le sont, comment produisent-elles une pareille émotion ? On ne sait pas ; c’est un fait.


Je voudrais tâcher de voir clair dans l’aberration des faux mystiques qui veulent matérialiser le monde spirituel. Essayons de raisonner en nous inspirant d’une démonstration de Paul Bourget.

« Dans tout exercice de l’activité humain, il y a deux éléments :