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Ne pas désirer la richesse ; c’est la plus mauvaise des conseillères. Elle nous rend vaniteux, égoïstes, jouisseurs. Jouisseurs ! Que ce mot renferme d’habitudes monstrueuses ! Satisfaire tous les bas appétits, s’accorder toutes les fantaisies, se ruer à toutes les distractions au risque d’en être réduit au rôle de parasite… Ne pas regarder autour de soi les pauvres auxquels tout manque, alors qu’on devrait rougir de vivre dans l’opulence. « Pourquoi moi plutôt que les autres » ? devrait-on se dire. Voir souffrir sans s’émouvoir ! ou ne s’émouvoir qu’aux souffrances toutes proches sans chercher au-delà. N’utiliser son temps qu’en amusements coûteux, vides, frivoles ! Il y a tant à faire pour se rendre utile !

Une belle parole à méditer : « Portons le fardeau les uns des autres » (St-Paul).


La concupiscence est à la base de toutes les turpitudes, les haines, la luxure, les crimes. Celle de la chair embrasse la gourmandise, la luxure, la paresse. Celle des yeux, l’avarice, l’envie. L’orgueil, la colère se manifestent dans l’amour de sa propre excellence. Tous les péchés capitaux ont l’égoïsme pour racine ; exemple : ce qu’on appelle l’amour. Voir les faits-divers des journaux : « Je l’adore, gare au vitriol ou au browning ». Est-ce à dire que l’amour n’existe pas ? Il existe, mais il est rare comme la beauté. On le confond souvent avec l’attachement, autrement dit le besoin d’une compagnie, une habitude ancienne, parfois le plaisir tyrannique d’asservir un être sans défense. Tandis que l’amour, le véritable amour veut le bonheur de l’être aimé, au prix de tous les sacrifices, même celui qui consiste à lui barrer le chemin si possible, au cas où il s’engagerait dans une voie tortueuse de nature à compromettre le salut de son âme. S’il résiste, celui qui aime n’a plus qu’à souffrir en silence « le douloureux martyre de l’amour ».

On souffre dans la proportion où l’on aime.


Heureux ceux qui ont près d’eux de vieux serviteurs ! Ceux-ci ne savent pas à quel point ils ont coopéré à la sérénité, à la sécurité, au bien-être de nos existences dont ils ont été les témoins heure par heure. Ils sont mieux informés que quiconque de tout ce qui fait la trame de notre vie ; ils se sont réjouis, ils ont souffert, ils ont pleuré avec nous. Aimons-les, ménageons-les, ayons soin de leur vieillesse ; supportons avec patience leurs défauts puisque nous leur imposons les nôtres. Soyons doux, charitables, résignés parfois. Ils ne sont pas toujours équitables — qui donc peut se flatter de l’être ? Pardonnons à leur incompétence.