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« Bienheureux les pauvres en esprit »
… c’est pratiquer le détachement de toutes les richesses de la terre, qu’on les ait ou non entre ses mains. — C’est les considérer comme des biens qui ne vous appartiennent pas et dont il ne faut pas être l’accapareur ou l’esclave —. La beauté, la santé, l’intelligence, la fortune, le talent, sont des dons. Il faut savoir tout sacrifier aux exigences du devoir, comme un soldat prêt à donner sa vie, ce qui implique le sacrifice total. Les faveurs, dont nous gratifie la Providence, elles peuvent nous être enlevées d’un moment à l’autre ; il faut agir pour le bien en usant d’elles dans la mesure où elles ne paralysent pas notre élan. En aucun cas on ne se glorifiera, ni on ne fera parade, d’une supériorité, d’un avantage. Notons en passant que c’est le moyen de se les faire pardonner ; n’est-il pas humain d’être en butte aux fureurs de l’envie de la part des moins favorisés peu enclins à la pratique de la pauvreté en esprit, difficile d’ailleurs comme celle de toutes les vertus. Savoir ce qu’on doit faire n’est pas toujours d’accord avec ce qu’on fait.


Pour les athées, l’homme est dieu… excepté Jésus Christ.

Pour les protestants, l’homme est infaillible… excepté le pape.


Je n’ai pas la prétention de commenter les paroles divines ; je cherche quel écho elles éveillent en moi.


Heureux les doux…

Les doux possèdent la terre… Non pas les doux qui ne sont que des apathiques ou des indifférents. Ceux-ci sont les tièdes tant méprisés par Virgile dans l’enfer ; ils ne valent pas un regard. Heureux sont ceux dont la douceur est faite de bonté, de mansuétude, de compassion, d’indulgence et aussi de maîtrise de soi. Doux aux faibles, aux ignorants, aux obstinés, et même aux méchants puisqu’on peut parfois les ramener à de meilleurs sentiments. L’indignation bouillonne en nous, c’est quelque chose d’analogue à l’ardeur d’un cheval emporté. Il ne connaît plus rien et renverse tout sur son passage. L’homme en proie à la fureur roule de sinistres pensées. S’il a le malheur de s’y abandonner, qui sait à quel excès il est capable de se livrer, à sa grande confusion lorsque la crise est passée. Pour celui-ci, la douceur n’est pas chose facile ; il s’agit de retenir en soi le mauvais instinct déchaîné. Mais quelle victoire si on y parvient ! Chacun des triomphes remportés sur soi-même prépare la victoire future jusqu’au moment où la bête est enfin domptée.

Ce que j’aime dans les doux, c’est qu’ils ne brutalisent ni les gens,