Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/139

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Blondinette s’était complètement habituée à ma nouvelle forme. À mesure que je lui faisais le calcul de mes rentes, mes jambes lui semblaient plus égales, ma corne moins apparente. Au premier million elle me trouva passable, au second elle me déclara charmant.

« Notre mariage fut célébré avec toute la pompe que réclamait un pareil événement, et l’archevêque de Sans-Pair voulut lui-même nous bénir.

« Depuis, mon bonheur n’a éprouvé ni interruption ni mélange, et la constance de la bonne fortune a fait substituer au nom de roi Extra celui d’heureux monstre !

« Quant aux lecteurs qui me demanderaient pourquoi j’ai raconté longuement, en tête de ce volume, l’histoire de ma vie, je leur répondrai que je l’ai fait pour donner à tous un enseignement ; et cet enseignement le voici : c’est qu’on réussit moins par ce qu’on vaut que par ce qu’on montre, et que la première condition du succès n’est point de faire, mais d’attacher un écriteau à ce que l’on fait ! Or, pour cela le génie peut être utile, un ridicule sert quelquefois, un vice suffit souvent, mais rien ne remplace une monstruosité. »

§X.

Un empoisonneur de bonne société. — Palais de justice de Sans-Pair. — Carte routière de la probité légale. — Procédés de fabrication pour l’éloquence des avocats. — Tarif des sept péchés capitaux. — Le vieux mendiant et son chien.

Maurice venait d’achever sa lecture, lorsque son hôte et M. le Doux ressortirent de chez le banquier. Le philanthrope les avertit qu’il était forcé de les quitter pour se rendre au palais de justice.

— Y a-t-il quelque grande affaire ? demanda M. Atout.