Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/246

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gens. Rien ne pouvant lui être refusé impunément, on ne lui refusait rien. La plume croisée devant son journal, comme la sentinelle devant son camp, il décidait seul qui il fallait repousser ou admettre. Excellent du reste pour ses amis, il leur partageait ses gains, sa puissance, son crédit, et c’était le meilleur roi du monde, pourvu qu’on ne fût point de ses sujets.

Au moment où nos visiteurs entrèrent, il donnait audience à tous ceux que Maurice avait vus faire antichambre. Leur dédain pour le journalisme avait fait place au respect, leur indifférence à l’empressement. C’était à qui se montrerait le plus modestement soumis ou le plus amicalement familier.

Il vit d’abord passer une vingtaine d’auteurs, qui venaient offrir leurs livres embellis de l’autographe sacramentel : hommage de l’auteur.

Puis des peintres, des sculpteurs, des musiciens, qui, pour preuve de leurs talents, remettaient des lettres de recommandation ; des actrices, parfumées de patchouli, tournant sur elles-mêmes avec mille ondulations caressantes, comme des panthères apprivoisées, et ne se retirant qu’après avoir laissé leurs adresses. Des hommes graves, qui apportaient leurs éloges tout faits, et d’autres plus graves encore, qui y joignaient d’utiles diatribes contre leurs adversaires.

Mais la visite qui frappa le plus Maurice, fut celle de Mlle Virginie Spartacus, fondatrice de la société des femmes sages, composée de toutes celles qui n’avaient pu vivre avec leurs maris.

Mlle Spartacus faisait pourtant exception, car, ainsi qu’elle l’avait déclaré elle-même dans son discours d’ouverture, en