Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/264

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d’un appareil ingénieux qui lui permettait d’en exécuter cinq en même temps.

Il reçut nos visiteurs sans se déranger, donnant pour excuse les huit tableaux qu’il devait livrer le soir même, et continua d’en peindre trois, tout en causant.

Maurice voulut connaître ses idées sur la peinture ; M. Preslet les lui indiqua avec son aisance et son aplomb habituels.

— La peinture, dit-il, est l’art de représenter tout ce qu’indiquent les programmes, à la satisfaction du gouvernement et de son auguste famille. On vous ordonne une bataille, vous faites des gens en uniforme qui se battent ; un groupe de nymphes, vous peignez trois femmes peu vêtues ; une machine ingénieuse, vous dessinez un métier d’où sort une paire de chaussettes. Si chacun reconnaît la chose sans inscription, vous pouvez dire comme le vieil Italien : Moi aussi je suis peintre, et la preuve que vous l’êtes, c’est qu’on vous commandera des tableaux. On a parlé de mélodie de tons, de couleurs vibrantes, d’harmonie de lignes ! folie ! toute la peinture se trouve comprise dans un mot : Copier ce qui est, de manière à ce que le ministre des beaux-arts lui-même puisse reconnaître qu’un fagot n’est pas un conseiller d’État ! Tout le reste est de la poésie Grelotin, bon pour Grelotin, digne de Grelotin.

Maurice demanda ce que c’était que Grelotin.

— Un quasi-idiot, qui sert de jouet à nos artistes, répondit Prétorien. Il a étudié l’art vingt ans, et, ne pouvant atteindre à son idéal, il s’est résigné à devenir gardien du Musée, où il continue à étudier son système ; car Grelotin a un système qui ferait infailliblement de lui un grand peintre, ou un grand sculpteur, s’il peignait ou s’il sculptait. Vous