envers sa prison (c’était le nom qu’il donnait à son corps), il commença à s’occuper de son voisin.
— Ainsi, vous avez vécu dans le dix-neuvième siècle, monsieur ? dit-il, le regard fixé sur Maurice, et en avalant une tartelette ; vous avez vu ces âges de croyances naïves où l’homme, dégagé des désirs secondaires, ne songeait qu’à la nourriture de son âme !…
Il prit une seconde tartelette.
— Heureuse époque, à jamais perdue ; générations fortes et fidèles, qui se préparaient au bonheur d’un meilleur monde, en s’abreuvant aux sources pures de la foi !
Il vida son verre, fit claquer sa langue contre son palais, et demeura avec l’air pensif d’un croyant qui digère.
Cependant, la conversation continuait à l’autre bout de la table, où Prétorien racontait l’histoire d’une Sans-Pairienne qui, parmi ses envies de femme grosse, avait eu celle de manger son mari.
— Et elle l’a mangé ? demandait Blaguefort.
— Jusqu’aux orteils ! répliqua le directeur du Grand Pan.
— Elle était dans son droit ; la loi déclare que le mari doit nourrir sa femme.
— Et l’Église ajoute que tous deux ne sont qu’une même chair.
— Ce qui n’a pas empêché le procureur du roi de l’arrêter, reprit Prétorien.
— Il a sans doute craint le mauvais exemple pour sa femme.
— Qui diable voudrait manger un procureur du roi ?
— Quand il s’agit d’un mari, on ne doit point consulter son goût.