Page:Souvestre - Le Monde tel qu’il sera, 1846.djvu/326

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

quelque chose dans sa gloire ? Plus il est illustre, plus son suffrage honore ; nous le transformerions en grand homme, ne fût-ce que pour augmenter le prix de ses autographes.

M. Atout le savait et ne négligeait aucun de ces moyens de renommée, car il en est de celle-ci comme de toute chose humaine ; le hasard la sème ; l’habileté seule la fait grandir. Aussi beaucoup de gens peuvent-ils se faire une réputation, mais peu connaissent l’art de la cultiver. Il faut, pour cela, l’adresse qui prépare, la persistance qui fonde, l’égoïsme qui affermit. Il faut, surtout, beaucoup de vanité et peu d’orgueil ; car si la vanité est une voile que nous enflons nous-même et qui nous pousse, l’orgueil est une ancre rigide et tenace sur laquelle nous restons immobile. Flattez s’il le faut, pliez au besoin, mais montrez-vous partout ; ayez de vous-même l’opinion que vous voulez en donner aux autres ; l’homme est imitateur jusque dans ses sensations. L’estime que vous montrerez pour votre propre mérite sera toujours plus ou moins contagieuse. Gardez-vous seulement de justifier trop sérieusement vos prétentions. Notre admiration ne veut point être forcée ; on peut l’obtenir de nous par faveur, difficilement comme droit. Chaque homme est toujours plus ou moins de la famille de Thémistocle, les trophées de Miltiade l’empêchent de dormir.

Évitez donc de la multiplier ; n’imitez point ces glorieux insatiables que l’on aperçoit toujours dans l’arène, frottés d’huile et le ceste à la main. Contentez-vous de faire valoir le passé ; prenez rang parmi ces ducs et pairs de la gloire, qui sont beaucoup aujourd’hui pour avoir été autrefois quelque chose. De cette manière, on vous acceptera comme une sorte d’illustration posthume que tout le monde honore parce qu’elle ne porte ombrage à personne ; votre paresse