Page:Souza - Où nous en sommes, 1906.djvu/100

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Cependant notre génération eut un tort sérieux. Sa conscience esthétique fut très haute, sa conscience critique très médiocre. Cette question se lie, il est vrai, à celle des administrateurs auxquels on abandonna trop au hasard la manutention des revues. Toutefois, on eut longtemps le préjugé romantique d’une incompatibilité absolue entre l’esprit créateur et l’esprit critique. En outre, préoccupé noblement de laisser l’œuvre nouvelle, dès sa naissance, marcher d’elle-même, sans songer que c’était le meilleur moyen de la rendre, aux yeux ennemis, cagneuse, on parut confondre la politique littéraire avec la nécessité de la critique positive. C’est pourquoi M. Remy de Gourmont put dire avec vérité :

« Nous n’avons pas défendu avec assez d’énergie nos monstres, et c’est pour cela qu’écornés par les pierres, ils paraissent encore des monstres, alors que la foule devrait les regarder comme des dieux et venir les prier, aux jours de détresse. » (Le Problème du Style, p. 198).

Quoi qu’il en soit, il faut croire que les principes de notre génération sont solides, puisqu’ils ont étayé déjà une des plus belles productions de notre histoire et que la plupart des poètes ne s’arrêtent point dans leurs progrès.

Après l’amplitude des principes intellectuels, la substance des principes techniques, voici donc le scrupule des principes moraux ; ils peuvent se résumer en quelques propositions où chacun reconnaîtra les siens :

— Sois toi, sans fuir ni influences, ni traditions : tes contrôles.