Page:Souza - Où nous en sommes, 1906.djvu/108

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Puisque nos pseudo-traditionnels veulent nous mener sur ce terrain, qu’ils veulent bien nous suivre, que M. »Auguste Dorchain daigne suspendre le lancement de son petit « cochonnet » pour découvrir les meilleurs buts. Il y a de quoi être embarrassé : quel est le Français : Gregh, l’humaniste, benjamin de l’Académie, ou Kahn, symboliste, le réprouvé ? Mme de Noailles, pour avoir emprunté un nom de France, perdrait-elle les droits de sa naissance levantine ? Nous pourrions peut-être accuser ses origines étrangères de sa timidité à profiter de nos évolutions et de toutes les ressources de nos moyens. Constatons que nos récentes poétesses, tant louées pour leur talent si national, sont roumaines, courageusement, quand elles ne sont pas anglo-saxonnes sous un masque moyen-âgeux…

Que M. Dorchain-Pingard en prenne son parti, et aussi le juif portugais Mendès, ces exotismes sont dans la tradition française. A chaque renouveau, notre poésie a repris force par la greffe d’une bouture exotique sur le plant populaire. Par leur naissance, leur origine ou leur culture, nos poètes auraient toujours été des étrangers, si la langue, qui est le premier ciment de l’âme nationale, n’avait fait de leurs œuvres les assises de la patrie. Dès le moyen âge, notre poésie doit aux Provençaux, alors plus qu’aujourd’hui des « métèques » un nouveau jaillissement lyrique. N’a-t-on pas assez rappelé que la floraison de la Pléiade épanouit toutes les semences de l’Italie et de la Grèce ? Quant à notre xvme siècle, il n’a commencé de naître à la poésie que par deux poètes de l’île Bourbon, le chevalier de Bertin et le chevalier de Parny (inspirateur de Lamartine) avant le demi-Grec André Chénier… Songez, M. Mendès, que sans les petits Espagnols qui maltraitèrent Victor Hugo au collège de Madrid, votre orientalisme