Page:Souza - Où nous en sommes, 1906.djvu/144

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quoi que différent, aussi fort que celui des autres langues. Mais continuons) :

Et d’autre part il apparaît à teicpèrience que l’alexandrin, soit par hérédité, soit pour des raisons physiologiques mal définies, soit pour ces deux causes, forme le pivot de notre prosodie.

Il en résulta que ceux qui désarticulèrent les rythmes au point de supprimer totalement les mesures anciennes, obtinrent des mélodies diffuses où ne manquaient, certes, ni le talent, ni le métier, mais où la cadence propre au vers français n’existait plus du tout. Si bien qu’on se demandait pourquoi ces poètes, d’ailleurs plus coutumiers d’assonances que de rimes, allaient à la ligne après un nombre arbitraire de syllabes parfois, une seule, ou deux, ou trois, ou quinze. Leurs poèmes semblaient, lorsqu’ils étaient bons, des traductions des vers étrangers conçues avec le souci d’en reproduire la disposition ligne par ligne et page par page ou bien des proses découpées il peu près au hasard. Chez les mauvais poètes qui adoptèrent cette technique, si favorable à la paresse et à l’ignorance du métier, on avait seulement l’impression d’assister aux bonds maladroits d’une sauterelle estropiée.

Rien ne manque de tout ce qu’ont ressassé les critiques officiels : désarticulation, mélodie diffuse, cadence perdue, nombre arbitraire de syllabes, traductions de vers étrangers, proses découpées au hasard, ignorance du métier…, tous les clichés y sont.

Pour mieux en juger, on peut apprécier les termes universitaires connus dont se sert M. Retté dans l’examen des œuvres confraternelles :

M. Dujardin, comme d’ailleurs MM. Van Lerberghe, Klingsor et Ducoté, use du vers libre le plus émancipé. Point de strophes délimitées, autant d’assonances que de rimes et, tout le temps, des vers d’inégale longueur. Il en résulte des mélopées qui offrent parfois quelque charme, mais qui aussi, trop souvent, donnent l’impression d’une prose saccadée où tout rythme disparaît. Si bien qu’au sortir de les avoir lues, on se prend de prédilection pour les cadences plus régulières. Quel que soit le talent des poètes qui laissent ainsi le vers se déliter, je ne crois pas que la forme d’art choisie par eux puisse jamais s’imposer au même titre que le vers libre maintenu dans de sages limites. (La Poésie française en 1904. — La Revue, 1" avril 1905).

Comme ces « sages limites » sont savoureuses, lorsqu’on n’a pas

oublié les grossières violences et les professions d’anarchie de