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Ailleurs M. Auguste Dorchain, sans s’arrêter, il va sans dire, au peu de connexité des deux arts, l’un musical, l’autre pictural, croit irréfutable d’opposer, pour démontrer l’excellence de la vieille rime, à des vers de Francis Vielé-Griffin des vers de Victor Hugo. Nous sommes très heureux à notre tour d’éprouver le lecteur suivant la méthode de l’aimable critique qui ne pouvait mieux choisir. Reprenons ses citations avec les commentaires :

a Je ne saurais mieux terminer cette longue étude de la rime que par deux citations topiques, ce me semble, et qui pour éclairer la matière seront plus lumineuses que toutes les théories. Et vous comparerez d’autant mieux les ressources des deux systèmes, que les deux auteurs ont traité, chacun avec le sien, le même sujet. Ce sont deux chants funèbres sur la mort d’un poète.

« Le premier est l’un des plus distingués esprits de l’Ecole symboliste, M. Francis Vielé-Griffin, né à Norfolk (Virginie), Etats-Unis, de souche gaélique. Le poème est écrit en strophes formées de ces lignes inégales improprement nommées « vers libres », par lesquels le poète s’efforce d’effacer toute symétrie rythmique ; et il est orné, à la fin de ces lignes ou vers, de mots dont l’auteur s’ingénie à rendre la consonance aussi vague et aussi distante que possible :

Thrène

Pour Stéphane Mallarmé.

Si l’on te disait : « Maître !

Le jour se lève ;

Voici une aube encore, la même pâle ;

Maître, j’ai ouvert la fenêtre,

L’aurore s’en vient encore du seuil oriental,

Le jour va naître ! »

— Je croirais t’entendre dire : « Je rêve. »

Si l’on te disait : « Maître, nous sommes là,

Vivants et forts,

Comme ce soir d’hier, devant ta porte ;

Nous sommes venus en riant, nous sommes là,

Guettant le sourire et l’étreinte forte. »

On nous répondrait : « Le maître est mort. »