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Il y eut d’abord le voyage en Amérique de M. Gaston Deschamps qu’illustrèrent des incidents de ce genre :

« Je trouve, dans la bibliothèque de Yale, une curieuse collection d’ouvrages français, notamment les Illuminations d’Arthur Rimbaud, le Pèlerin du Silence, beaucoup de cantilènes « mallarmistes », et enfin les chansons d’Aristide Bruant… Pourquoi ces choix imprévus ?… La très illustre université de Yale se doit à elle-même d’étendre un peu plus loin ses curiosités dans le domaine des lettres françaises.

« J’observe, avec regret et non sans quelque surprise, la place vraiment exagérée que le « décadentisme » littéraire accapare dans les préoccupations du public américain. Toujours et partout la même question :

« — Que pensez-vous des décadents ?

« Eh ! mon Dieu !Je n’en pense rien, chers Américains, sinon que vous attribuez beaucoup trop d’importance à une plaisanterie qui amusa Jadis quelques brasseries « littéraires » du quartier latin, et qui, après avoir trop duré, a rejoint dans l’oubli nos collections de vieux almanachs.

« Les « décadents » ! Lorsque je dis aux critiques littéraires des Etats-Unis que le public français ne s’intéressa jamais à cette pléiade, que les étoiles qui composent cette constellation sont généralement invisibles même aux plus puissants télescopes, je surprends, je déconcerte, je scandalise quasiment mes interlocuteurs. Je suis obligé d’expliquer la part d’ironie qui, évidemment, se cache dans les manifestes du « décadentisme ». (Le Temps, 30 mars).

Puis éclata, comme les « Tuba » du Dies irce, le Testament poétique de M. Sully-Prudhomme. Ce testament provoqua un nombre extraordinaire de codicilles par lesquels on indiquait que nos cadavres n’étaient pas même dignes d’un legs aux