Page:Souza - Où nous en sommes, 1906.djvu/36

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d’ailleurs l’art de la réclame à un point que l’intelligence ménagère des hommes ne connaîtra jamais) firent preuve d’une langue aiguë ou savoureuse, mais d’une musicalité pauvre. Partout, partout, plus les barbares hurlaient à la mort, plus on pouvait constater, dans toutes les branches de l’expression artistique, la vie intense du symbolisme et ses victoires pénétrantes sous les bannières les plus bigarrées.

C’est qu’en effet le symbolisme, qu’on s’est efforcé en vain de rétrécir, est tout autrement que ne le fut le romantisme même, infixable ; et ce qui est si particulier dans notre art lyrique, la précision émotive du détail et le sens du général, est, dans tous les autres arts, son œuvre.

Aussi est-on obligé de reconnaître que les poèmes symbolistes volontairement plus rares de ces quatre dernières années, après la magnifique abondance du lustre précédent, sont parmi les plus neufs et les plus parfaits dont une époque puisse s’enorgueillir. Il n’y eut pas un livre lyrique qui en 1900 ait égalé Les Quatre saisons de Stuart Merrill ; il n’y eut pas un livre, en 1901, qui ait atteint la beauté des Petites légendes d’Emile Verhaeren et des Stances de Jean Moréas (car il faut bien comprendre que le classicisme des Stances loin de contredire le symbolisme en découle) ; il n’y eut pas un livre, en 1902, qui ait surpassé Clartés d’Albert Mockel ; il n’y en eut pas un, en 1903, qui se soit affirmé au-dessus d’Amour sacré de Francis Vielé-Griffin ; il n’y en eut pas un, en 1904, qui ait approché la’ pureté de la Chanson d’Eve de Charles van Lerberghe. Et il va sans dire que sans Maeterlinck dans Le Figaro pour cette dernière, aucune de ces œuvres n’aurait provoqué un article sérieux dans les grands périodiques.