Page:Souza - Où nous en sommes, 1906.djvu/58

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homme pressé déborderait cette simple liquidation. Mais c’est un fait : l’influence du romantisme fut celle d’une source de montagne suisse à grand apparat de cascades et de torrents rocheux ; l’influence du symbolisme est celle d’une source de prairie, qui filtre sous l’herbe, à cet endroit touffue et plus brillante… On la distinguerait mal sans les petits miroirs d’eau que laisse dans le pré chacun de nos pas. Un peu plus de brume, le matin, signale sa nappe souterraine ; mais des fuites invisibles circulent ; plus loin un ruisselet sort on ne sait d’où, le fleuve qui enfle et gagne le monde…

La Technique. — Notre préoccupation de la technique, la recherche de formes nouvelles, particulièrement dans le mouvement du rythme et de la langue, fut un des principaux tremplins de l’incompréhension ou de la mauvaise foi. Et il aut bien le dire, l’incompréhension trouva quelque appui en nombre de symbolistes paresseux.

Une excuse : les révoltes contre les discussions techniques sont un reste de l’esprit romantique.

Ce détestable esprit, que notre génération n’a pas encore bien filtré, empoisonne parfois l’intelligence, alors que le tempérament même lui est hostile. On sait qu’il a comme principe exclusif la liberté, non pas la liberté d’approfondir nos moyens d’art et par conséquent de nous recréer une œuvre organique, mais la liberté de l’empirisme par où il fausse l’inspiration. Les résultats sont connus : cassures artificielles prises pour des nouveautés, petits désordres à travers les mêmes entraînements inconscients, dans ce qu’elle a de plus mécanique, d’une tradition tout extérieure.