Page:Souza - Où nous en sommes, 1906.djvu/62

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que l’œuvre du xixe siècle a été dans tous les ordres de l’esprit, dans les arts comme dans les sciences, de les substituer à des bases historiques trompeuses, et que justement la prétention du vers libre est de redonner à notre expression rythmique toute la force physiologique qu’une routine mauvaise lui a fait perdre. Mais nous n’avons pas besoin de cet argument péremptoire ; nous acceptons le terrain historique le plus limité.

i° Le vers libre dans ses rapports avec l’élément premier, la langue, en utilise vraiment la matière vivante, dans toute sa valeur de parole, conformément aux origines populaires de notre métrique, valeur qu’une syllabation graphique, depuis le XVIIe siècle, outrancière, dénaturait chaque jour davantage.

2° Le vers libre restitue à l’accent, base constitutive originelle de notre vers où la syllabe n’a qu’un rôle d’impersonnelle unité, la force expressive dont cette syllabation et les césures mécaniques le dépouillent.

3° La physionomie du vers uniformément césure, comme des autres, garde ses traits habituels, modifiés, suivant les besoins de l’expression, par les coupes lyriques déjà en usage à la naissance de notre poésie. — Ainsi le décasyllabe ne possédait pas seulement la coupe 4 -f- 6, mais les 6 + 4 et 5 + 5 ; le dodéca possédait en plus de la 6 + 6 non seulement la 8 + 4, mais la 7 + 5 dont M. Jeanroy dans ses Origines de la Poésie lyrique cite des exemples nombreux.

4° Le droit pour le vers libre de dépasser la mesure de l’alexandrin est rigoureusemnt traditionnel comme celui de ne pas s’inquiéter si l’accent détermine des mesures impaires. Les vers les plus anciens de la poésie lyrique sont des vers de 15 et de 11 syllabes ; il y en a fréquemment de 13 ; l’on en