Page:Souza - Où nous en sommes, 1906.djvu/68

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de quatre-vingt-dix-neuf ; il ne faut avoir raison qu’une fois, c’est la bonne. Voilà pourquoi les anciens poètes en sachant subir des lois mauvaises triomphaient tout de même : ils n’avaient raison que de loin en loin… Au surplus, la beauté poétique comme les autres est moins faite d’invention qui surprend notre goût que d’imitation qui le flatte.

Réponse. — Comment pouvez-vous manifester pareille inquiétude, alors que vous avez pu assister, dans l’espace d’une seule génération, à des transformations aussi prodigieuses que celles du wagnérisme en musique et celle de l’impressionnisme français ou du préraphaélisme anglais en peinture ? et comment la poésie serait-elle moins fortunée ? Comment notre oreille assez déliée et notre œil assez fin pour saisir au bout de peu d’années tant de combinaisons nouvelles seraient-ils subitement privés de la faculté de lire et d’entendre le vers libre ? La seule chose qu’on peut dire, c’estque, si nos expériences publiques ont plutôt réussi, elles n’ont pas été assez fréquentes ; mais aucun argument ne peut être tiré contre nous d’une nouveauté d’invention qui est la condition même de toute beauté, parce qu’avec la part d’imitation qui demeure dans le vers libre comme dans les moyens les plus originaux, l’art est avant tout une conquête ininterrompue de l’esthétique sur le non-esthétique.

Cliché VIL—Il ne suffit pas d’indiquer des « jeux d’accents, d’agglutinations et de timbres » pour parler de lois analogues à celles de la perspective, par exemple, dans la représentation picturale, ou de la proportion dans la sculpture, lois qui ont une force de « généralisation » et de « direction évidente » auxquelles vos « jeux » n’atteignent guère. — En réalité, de tout ce que les poètes symbolistes ont écrit sur le vers libre,