Page:Souza - Où nous en sommes, 1906.djvu/82

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A la vérité, les décadents de cette époque s’appelaient Huysmans ou Rollinat.

Il va sans dire que le terme de « décadentisme » entraîne celui de « byzantinisme » intelligemment appliqué à des poètes qui prennent un souci plus scrupuleux des moyens de leur art. Il y a byzantinisme lorsque les préoccupations et les discussions s’arrêtent sur des points qui n’importent pas à la vie de l’objet. Mais l’ébéniste qui ne cesse d’étudier la nature de ses bois, de chercher entre leurs nuances des combinaisons nouvelles, ajoute à l’étendue de son art, en multiplie la vie, comme le poète qui ne se contente pas des formules de manuels pour tirer de la matière et du mouvement du langage des expressions plus intenses, par conséquent plus vivantes.

Si de fâcheux accès de personnalisme morbide ont pu induire nos jeunes agités à se servir contre nous, en dépit de toute vérité, du terme « décadents », cela présente un certain intérêt psychologique. Que M. Gaston Deschamps continue à user de ce terme péjoratif, qu’il le porte même à l’étranger pour déprécier des œuvres françaises, cela n’est pas d’une importance extrême. Mais ce qui est déplorable, c’est que des romanistes, des linguistes et des philologues du plus haut mérite comme M. Alf. Jeanroy dans ses Origines de la Poésie lyrique en France au Moyen Age ou M. Brunot, dans son Histoire de la Langue française ou tout récemment M. Maurice Grammont, dans son étude Le Vers français, etc., amenés par leur habitude des textes et leur connaissance des évolutions organiques à reconnaître l’intérêt d’une partie de nos efforts, emploient toujours ce terme de « décadents ». Ce qui est déplorable, c’est que leur investigation si scrupuleuse pour le passé perd