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éclairer. L’œuvre d’art se ressent toujours du raccolage et du battage que lui prépare son auteur. Hugo devint le véritable créateur et le grand poète, après que l’orgueilleuse volonté de son exil, le rendant dédaigneux lui-même de sa vanité, il écouta tout son génie.

Les symbolistes eurent le sentiment très vif de la déchéance de l’œuvre par la préoccupation du public et du succès personnel.

Ils n’en prirent point une attitude de lyriques jansénistes ou bouddhistes, à la manière de Vigny ou de Leconte de Lisle raréfiant leurs œuvres par scrupule et dédain. Si quelques-uns réservèrent pour leur maturité l’exécution du meilleur poème et se pressèrent peu, la plupart estimèrent que la sincérité de l’émotion commandait la production fraîche, et jamais période ne fut plus abondante que celle des vingt dernières années symbolistes.

Certains en ont convenu, pour assimiler aussitôt cette période à celle des lyriques « grotesques » qui envahirent les cabarets et les ruelles au temps de Louis XIII et dé la Fronde. Tout d’abord, nous savons que parmi ces soi-disant « grotesques » il y eut des tempéraments admirables, des poètes entre les plus exquis de tous les siècles, comme Théophile de Viau et Tristan l’Hermite, même Guillaume Colletet. Mais la portée de leurs œuvres est médiocre comme celle des disciples de Ronsard en exceptant du Bellay ; et l’on doit se demander à quel degré de parti pris ou d’inconscience est descendue la critique pour oser comparer les vers de hasard des Cadet Angoulevent, Lingendes ou Expilly, des Sigognes, Saint-Pavin, Courval-Sonnet ou du sieur Honorât Laugier de Porchères, « intendant des plaisirs nocturnes » de la maison de Condé, des Sarrazin, Gombaud,