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vidus de 25 à 30 ans, la mortalité sera de 4 pour les hommes mariés, 10,4 pour les célibataires et 22 pour les veufs. Cette influence bienfaisante du mariage se manifeste à tous les âges ; les effets en sont toujours plus sensibles chez les hommes que chez les femmes. »

Il est inutile d’insister pour montrer ce qu’ont d’illusoire ces conclusions sur la mortalité relative des veufs : ne suffit-il pas d’un instant de réflexion pour s’en convaincre ? Nous parlerons seulement de l’illusion moins flagrante dans laquelle sont également tombés M. Bertillon et le docteur Stark, en comparant la mortalité des hommes mariés et celle des célibataires. Au premier abord les chiffres relevés par ces auteurs semblent établir clairement un rapport de causalité entre le mariage et la longévité, au fond ils ne prouvent rien du tout. Ce rapport existe peut-être, mais les données qu’on nous fournit n’autorisent pas à l’inférer.

Il suffit d’examiner les circonstances qui dans nombre de cas déterminent ou empêchent les mariages, pour voir que le rapport apparent établi par les chiffres n’est pas le vrai. Dans les cas d’inclination, quelle est le plus souvent la raison qui fait décider pour ou contre le mariage ? C’est la possession de moyens d’existence. Il y a certainement des imprévoyants qui se marient sans avoir de quoi vivre, mais presque toujours l’homme diffère, ou la femme refuse, ou la famille fait opposition, jusqu’à ce que le futur couple se soit assuré des chances raisonnables de pouvoir supporter les charges auxquelles il s’expose. Eh bien ! parmi ces jeunes gens dont le mariage dépend d’une position, quels sont ceux qui ont le plus de chance de s’assurer le revenu nécessaire ? Les meilleurs, tant physiquement que qu’intellectuellement — les forts, les capables, les esprits bien équilibrés au point de vue moral. Souvent la vigueur corporelle permet d’obtenir un succès, et par conséquent un revenu, qui reste hors de la portée des faibles, incapables de supporter la concurrence. Souvent la supériorité intellectuelle amène l’avancement et l’augmentation de salaire, tandis que les imbéciles croupissent dans les postes inférieurs et mal rétribués. Les gens circonspects et maîtres d’eux-mêmes, sachant sacrifier le présent à l’avenir, ar-