Page:Spencer - La Science sociale.djvu/54

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« vaincue » si l’on empêche une pierre de tomber à terre ; — que la loi (non la force) « est en lutte » et que, puisqu’elle ne produit, plus de mouvement, « l’action nécessaire des lois de la pesanteur » (non pas l’action de la pesanteur) est suspendue : la vérité est que ni la loi ni la force ne sont le moins du monde modifiées. En outre la théorie des phénomènes naturels auxquels M. Kingsley est arrivé, semble être que lorsque deux forces ou un plus grand nombre (ou bien des lois, s’il le préfère) entrent en jeu, elles sont suspendues l’une par l’autre partiellement ou complètement. La doctrine admise par les hommes de science est au contraire que les forces conservent toute leur action, et que l’effet produit est leur résultante. Ainsi, par exemple, lorsqu’un coup de canon est tiré horizontalement, la force initiale produit dans un temps donné précisément la même quantité de mouvement horizontal que si la pesanteur n’existait pas et la pesanteur produit dans le même temps une chute verticale précisément égale à celle qui se serait produite si on avait laissé tomber le boulet de la bouche du canon. Du reste, professant ces idées particulières sur la façon dont la causalité s’exerce dans les phénomènes physiques, le chanoine Kingsley est logique en niant la causalité en histoire et en affirmant que « tant que l’homme aura le pouvoir mystérieux de transgresser les lois de sa propre existence, non seulement cette causalité ne peut être reconnue, mais encore elle ne peut exister[1]. » En même temps il est évident qu’on ne peut engager avec profit une discussion sur la question dont il s’agit, jusqu’à ce que le chanoine Kingsley soit arrivé à une entente quelconque avec les hommes de science sur la conception de la force et de la loi, et sur la façon dont les phénomènes produits par un concours de forces peuvent être formulés par une loi.

Cependant, sans attendre que cette entente se soit faite, ce qui serait probablement un peu long, on peut répondre aux arguments du chanoine Kingsley, en plaçant en regard certaines conclusions qu’il a lui-même avancées ailleurs. Une édition d’Alton Locke publiée postérieurement à l’époque où fut prononcé le discours que nous venons de citer,

  1. The limits of exact science as applied to History, p. 21.