Page:Spencer - La Science sociale.djvu/57

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litatives ; lorsqu’elles sont quantitatives elles ne le sont jamais avec une grande précision et presque toujours d’une manière très-vague. Néanmoins nous n’hésitons pas à les considérer comme scientifiques. Il en est de même dans la science sociale. Les phénomènes qu’elle présente plus complexes que tous les autres, sont moins que tous les autres susceptibles d’être traités avec précision ; ceux d’entre eux susceptibles d’être généralisés ne peuvent l’être que dans des limites assez vagues de temps et d’importance, et il en reste beaucoup qui ne peuvent pas l’être du tout. Mais dès qu’il peut y avoir généralisation, et que sur cette généralisation on peut baser une interprétation, il y a une science. Quiconque exprime des opinions politiques — quiconque affirme que telle ou telle direction donnée aux affaires publiques sera avantageuse ou funeste, admet implicitement une science sociale, car il affirme implicitement qu’il y a pour les actions sociales un ordre de succession naturel, et que, puisque cet ordre est naturel, on peut en prévoir les résultats.

Ramenée à une forme plus concrète, la question se posera ainsi : — M. Froude et le chanoine Kingsley croient tous deux à une grande efficacité de la législation ; — et même ils lui attribuent probablement plus d’efficacité que ne le font plusieurs de ceux qui affirment l’existence d’une science sociale. Croire à l’efficacité de la législation, c’est croire que la perspective de certaines peines ou de certaines récompenses agira pour détourner ou pour déterminer — qu’elle modifiera la conduite des individus et par là l’action sociale. Il est impossible d’affirmer qu’une loi donnée produira un effet prévu sur un certain individu ; mais on ne doute pas qu’elle ne doive produire un effet prévu sur la masse des individus. Bien que M. Froude prétende, en argumentant contre M. Buckle, « qu’il se débarrasserait bien des particularités de tel ou tel individu par la doctrine des moyennes » mais que « malheureusement la moyenne d’une génération n’est pas nécessairement celle de l’autre ; » cela n’empêche que M. Froude croit tellement lui-même à la doctrine des moyennes, qu’il admet que des défenses législatives, appuyées par des menaces de mort et d’emprisonnement, retiendront la grande majorité