Page:Spencer - La Science sociale.djvu/81

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nationalistes prouve à elle seule qu’un système qui a poussé des ramifications à travers toute la société et qui possède une armée de fonctionnaires salariés, préoccupés de leur bien-être matériel et de leur avancement, protégés par le clergé et les hommes politiques dont ils défendent les idées et les intérêts ; que ce système, disons-nous, sera, sinon rebelle à toute modification, du moins d’autant plus difficile à modifier qu’il est plus perfectionné.

Il nous serait facile de multiplier les exemples. L’armée, le clergé et la justice nous en fourniraient abondamment. Ceux que nous avons cités suffisent pour faire ressortir l’analogie que nous avions signalée entre l’organisme social et l’organisme individuel. Les faits invoqués mettent en lumière un des problèmes de la science sociale et jettent par là une nouvelle clarté sur la nature de cette science. Il est démontré que pour les organismes sociaux comme pour les organismes individuels, la structure est jusqu’à un certain point nécessaire à la croissance ; mais, dans un cas comme dans l’autre, la continuité de croissance rend nécessaire un travail de démontage et de remontage de l’organisation qui devient par là un obstacle à la croissance. Il nous reste à examiner s’il est également vrai dans les deux cas que l’achèvement de la structure détermine l’arrêt de la croissance et fixe pour toujours la société au type qu’elle a atteint à cette période de son développement. Nous nous bornerons à remarquer à ce sujet que ce problème appartient évidemment à un ordre de questions absolument négligé par ceux qui considèrent les sociétés au point de vue historique ordinaire ; en un mot, il appartient à cette science sociale dont ces mêmes gens nient l’existence.

Cui bono ? s’écrient sans doute un grand nombre de lecteurs. Il s’en trouve dans le nombre dont nous connaissons les idées et le tour d’esprit ; nous les entendons d’ici demander s’il est vraiment bien utile de connaître les faits et gestes des sauvages ; de savoir comment s’établissent les chefs et les médecins dans les tribus barbares ; comment les fonctions industrielles arrivent à se séparer des fonctions politiques ; quelles sont à l’origine les relations mutuelles des classes régulatrices ; quelle est dans la détermination de l’organisation sociale la part d’influence des qualités